Pourquoi quelqu’un se photographierait-elle à répétition pour ensuite se dessiner, et ce, pendant des années?
Est-ce que c’est du narcissisme? Vanité? Ou une façon simple et accessible de guérir d’un nonamour envers soi?
Moi, je le fais parce que je me suis toujours jugée et critiquée sevèrement, et l’autoportrait est le meilleur processus que j’ai trouvé pour changer de perspective. Quand je me regarde dans le miroir, c’est pour vérifier, critiquer, corriger – et je peux toujours trouver quelque chose de ‘pas correcte’ dans ma quête sans fin de perfection.
J’ai 46 ans maintenant, et ça fait 10 ans que je pratique ce genre de dessin. Je l’ai abandonné souvent, mais j’y reviens toujours, parce que malgré mes résistances, ça marche… ça me fait du bien. Cette obsession envers mon image m’a tant enlevé de l’énergie vitale au fil des années, qu’ une partie de moi est fâchée que ce soit ainsi, mais cette colère ne fait que nourrir la tendance autodestructrice du mentale.
C’est un couteau à double tranchant, car c’est seulement parce que je voulais être exceptionellement belle que je puisse m’imaginer si affroyablement laide. Et je ne suis pas, même aux yeux du monde, ce qu’on étiquetterait de laid. C’est de la folie… mais encore plus fou, c’est que notre culture fait tout pour NOURRIR cette folie!
J’ai choisi le dessin parce que c’était simple, accessible, et gratuit et j’avais des personnes autour qui m’encouragaient sur ce chemin, même quand je voulais pitcher mes dessins (ou moi-même) par la fenêtre. Ça ne me gêne plus de partager cela, ni de montrer mes dessins, car j’en ai assez de retomber dans ces pénibles fausses perceptions et les croyances inculquées qui mettent en péril ma santé et mon bonheur.
Je vais surtout partager des dessins sur ce blog – pour décrire le processus et inviter d’autres à l’essayer – mais j’ai mis une photo cette-fois-ci parce que je trouve qu’elle illustre si bien dans une seule image à quel point j’ai lutté avec la honte et me suis battue pour m’accepter. Aussi, parce que la photo est à la base de ma pratique du dessin.
Étant assez vieille pour me souvenir de la vie avant la caméra digitale, je dois dire qu’elles ont joué un rôle important dans le développement du processus, parce que leur accessibilité a réduit les coûts rattachés à faire de la photo, ainsi que l’aspect « performance/résultat ». Mon premier appareil digital m’a permis, avant tout, de simplement prendre beaucoup, beaucoup, de photos.
En tournant vers cette pratique sur l’image de soi, j’ai pris un minimum de 3 photos de moi-même, par jour, pendant au moins trois ans. Chaque jour j’en prenais et les entreposais sur mon ordinateur. Je n’ai même pas essayé de faire des poses; le plus souvent j’étais enroulée sur moi-même par la gêne, mais avec le temps j’ai pu expérimenter de plus en plus, et lentement décrisper les mouvements de mon corps. Éventuellement, j’ai pu prendre des photos en dansant, nue, que personne d’autre que moi n’a jamais vu, parce qu’elles étaient pour moi, pour apprendre à m’aimer, moi.
Je me servais de la minuterie sur l’appareil pour prendre les photos, en mettant la caméra n’importe-où, sur n’importe-quoi, avant de me pitcher devant spontanément pendant que les secondes se décomptaient jusqu’au « clic ». Je ne m’inquiétais pas de la lumière, du fond, ni du positionnement, car le but de prendre ces photos était vraiment le processus et non pas le résultat De mon point de vue, les photos serviraient seulement pour le dessin, donc même si beaucoup étaient imparfaites (et pas très flatteuses non plus), je les gardais toutes, souhaitant apprendre à m’aimer de tous les angles. Ce processus s’est fait dans l’intimité avec moi-même, puisque je choisissais d’être nue dans les images, et cela a probablement accéléré le processus en décapant les couches de honte pour permettre à quelque chose de plus vrai à rayonner.
Mais ça, c’était juste le début, les plus belles visions sont apparues quand j’ai pris un crayon et j’ai transformé les photos en dessins, d’abord très simples, qui sont devenus plus détaillés avec le temps, pour éventuellement devenir des véritables oeuvres d’art. Parce que nous sommes tous et toutes des oeuvres d’art… exactement comme nous le sommes. N’importe quelle autre vision de nous-mêmes est toute simplement fausse.